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un hiver pas comme les autres

Posté le 12 décembre 2015 à 01h 18 dans Une Histoire du Canal du Midi par

Je voudrais vous narrer des hivers que j’ai passés, durant mon enfance et mon adolescence à l’écluse de Vic. Cette période arrivant prochainement, ce serait pour vous apprêter à l’aborder en toute sérénité : qu’en pensez-vous ?

Oh ! Et puis non ! Vous êtes assez grands et forts (!) pour résister aux intempéries que l’on pourrait connaître durant cette saison, et d’ailleurs un hiver qui ne sera pas forcément plus à craindre que ça. Mais si je vous raconte un hiver, un seul hiver que j’ai vécu près de ce canal du Midi (parce que tous les hivers, ça serait un peu long, vous ne croyez pas ?), vous pourrez bien commenter cet article-là comme la plupart de vous l’ont fait pour ceux de Jean-François ou de Nicolas ou même de mes précédents ?

Alors voilà, cet hiver-là, certains d’entre vous l’ont probablement connu, soit ici, près de ce canal ou bien ailleurs, et pour ceux qui ne l’ont pas connu ou n’en ont jamais entendu parler, accrochez-vous, ça devrait être captivant, mais peut-être que je me trompe après tout !

Il s’agit de l’hiver de 1955-56, plus précisément du mois de février 1956 où l’on a pu voir le thermomètre s’affoler vers le bas de façon vertigineuse : si je me rappelle bien, il serait descendu jusqu’à moins 20° et il a bien été très froid pendant ce mois de février entier ; et alors côté canal c’était à ne pas naviguer pour quoi que ce soit, impossible même, vous vous en doutez. Toute la navigation était à l’arrêt : les bateaux disséminés un peu partout, soit aux abords des écluses ou bien aux ports des différentes destinations qu’ils avaient prises à ce moment-là.

A l’écluse de Vic, il y avait trois péniches d’accostées comme d’autres l’étaient ailleurs, de façon que les bateliers puissent effectuer leurs approvisionnements auprès des commerçants  des villages ou des villes, ceci pour ceux qui avaient pu s’amarrer dès le début de ces grands froids à ces endroits (c’était le cas pour la plupart d’entre eux).

Avec le canal gelé dont l ‘épaisseur de la glace se situait aux environs des 15 et 20 centimètres selon les endroits, le froid s’était bien installé pour quelques semaines, et de ce fait, je voyais tout ça, moi, d’un œil assez satisfait dans la mesure où il y aurait de la visite à l’écluse pour un bon moment (on le saura plus tard). La présence, autour de l’écluse, des mariniers, m’avait, comment dire, rempli d’une certain contentement, faisant fi des conditions atmosphériques qui allaient tout de même provoquer des situations assez sérieuses au point de vue économique, sur la santé des gens fragiles, etc.

 


Edit de Jean-François, du 10 mai 2016

Je ne dispose pas de photos personnelles des hivers de mon enfance. En tout cas, ça ne se passait pas sur le Canal du Midi. Cependant, j’en ai trouvé une qui devrait faire plaisir à André. Il s’agit de deux joueurs de cartes, installés au beau milieu du Canal du Midi à Toulouse. Je pensais que la scène se situait au port de l’Embouchure, mais Marie-Pierre, une Toulousaine, m’a indiqué par un commentaire qu’il s’agit en fait de l’ancien port Saint-Étienne, qui a été complètement détruit lors de la construction des voies sur berges. En tout cas, c’était pendant l’hiver que nous raconte André, en Février 1956.

Canal gelé fevrier 1956

 


 

Seulement, moi, je ne voyais pas tout ça à ce moment-là, j’avais quatorze ans, j’étais quand même égoïste, je dois l’avouer ; dès que les bateliers ont pris la mesure de leur situation, ils se mirent à briser la glace plusieurs fois par jour (comme nous devions le faire auprès des portes de l’écluse) autour de leur bateau pour éviter qu’elle ne provoque,  à force d’appuyer contre la coque, des voies d’eau. Ils allaient tant bien que mal (comme on disait ) se ravitailler à Castanet-Tolosan situé à 1 km6 du canal, où il y a tous les commerces, certains qui avaient un pied- à- terre à Toulouse à une dizaine de kilomètres, s’y sont rendus quand les conditions pouvaient le permettre par les transports en commun notamment. Et d’ailleurs, lorsque les bus ne circulaient pas, j’étais assez content de faire l’école buissonnière en quelque sorte, puisque habituellement j’allais à Toulouse au collège depuis deux ans, et les notes scolaires en ont pâti à cette période, ma mère n’avait pas vu ça d’un très bon œil : il était temps que ça cesse un jour.

Pendant tout ce temps, il arrivait fréquemment que les mariniers avec qui nous avions des relations amicales, venaient souvent le soir à l’écluse passer la veillée autour de la cheminée, ma mère avait  fait des oreillettes, par exemple, un autre jour le millas, des crêpes, enfin des occupations bien agréables avec des parties de cartes, des discussions de choses et d’autres, des bateliers apportaient des gourmandises que nous les enfants, y compris ceux des bateaux, quand leurs parents étaient allés les chercher à Toulouse les jours qu’il faisait moins froid, apprécions, bien entendu.

C’est ainsi que le mois de février s’était passé, un peu endormi, faut bien le dire, par la force des événements et qu’ ensuite les bateaux ont redémarré, nous les enfants, reprenions nos chères études (moi à regret) et le temps s’écoulait à nouveau sereinement à l’écluse de Vic sur le canal du Midi.

 


Edit de Jean-François du 18Mai 2017

Selon Lougabier, il semble bien que la photo des joueurs de cartes ait été effectuée sur le port Saint-Sauveur. Il nous fournit ici des photos actuelles légendées. Cependant, il est vrai que le port Saint-Étienne était situé tout à côté, derrière le Pont Montaudran que vous voyez sur l’image ci-dessous. Vous pouvez comparer ce qui fut, et ce qui est désormais.

 

Sur cette dernière photo, toujours fournie par Lougabier, vous pouvez voir l’actuel emplacement du Pépino, le bar évoqué par Marie Pierre, bar dont visiblement, Lougabier a parfois été client… Vous vous imaginez bien que les choses ont changé.

N’oubliez pas de consulter les commentaires de Lougabier

Commentaires fermés

15 commentaires pour  « un hiver pas comme les autres »

  1. Nicolas dit :

    Il me revient en mémoire une photo de 3 joueurs de cartes, assis autour d’une table … posée au beau milieu du bassin de l’Embouchure gelé. Je pense que Jean-François doit avoir cette photo dans ses archives.

  2. André dit :

    Je me souviens bien de cette anecdote concernant des gens qui étaient installés à une table et qui semblaient jouer une partie de cartes sur le canal du Midi gelé . ( article et photo publiés sur le journal « LA DEPECHE DU MIDI  » à cette époque )
    De mon côté, avec des copains, nous avions  » emprunté  » le canal gelé pour y faire une partie de foot de courte durée, il est vrai : fallait pas faire le fier plus que ça, sait-on jamais !

    • Bonjour André, il serait intéressant de retrouver le numéro de LA DEPECHE qui a publié cet article. Si j’ai le temps et si c’est possible, j’irai consulter leurs archives.

      • André dit :

        Alors, oui, Jean-François , j’ai vu à nouveau sur un site où l’on va trouver des photos de cet hiver de 1956 mais aussi d’autres années et on y voit donc, non pas deux joueurs de cartes mais bien quatre.
        On remarquera aussi une photo sur le grand bassin à Castelnaudary.
        Je pense que tu pourras voir tout ça comme moi (les photos sont d’origines diverses)
        Je n’ai pas le numéro de LA DEPECHE correspondant à cette photo.
        Pardon, je viens de m’apercevoir que tu avais inséré la photo où il y a deux joueurs, dont acte.

    • Marie-Pierre dit :

      Bonjour,

      Je suis la fille d’un des messieurs de la photo à 4 (je ne sais pas comment l’intégrer à ce message). Je me permets d’apporter quelques rectificatifs. Les photos n’ont pas été prises au port de l’embouchure, mais au port Saint Etienne. Le bâtiment que l’on voit appartient aux ponts et chaussées. Il fait l’angle avec l’avenue Jean Rieux. Le pont à été détruit et remplacé par l’actuel. A l’époque, mon grand père paternel tenait un café (Pépino pour ceux qui connaissent). La table et les chaises ont été empruntées pour l’occasion et mon papa a pris la pose avec d’autres messieurs. Je crois que mon père à plusieurs photos de ce jour là (au moins celle à 4).

      • Bonjour Marie-Pierre et merci de votre contribution.
        Je prends note qu’il s’agit de l’ancien port Saint-Étienne (détruit depuis la construction des voies sur berges) et non du port de l’embouchure, je vais donc corriger l’article, en fait, je n’étais pas très sur du lieu exact mais c’est vrai que ce bâtiment n’existe pas au port de l’embouchure.
        Pour publier une photo, je pense que ce n’est pas possible dans les commentaires. Si vous voulez publier les vôtres, envoyez un ou des scans, je les insèrerai dans l’article en vous citant, et si vous voulez ajouter un commentaire en sus de votre message dans l’article, dites moi lequel.
        Cordialement.

      • André dit :

        Bonjour Marie-Pierre,je suis très heureux que vous veniez nous bouger un peu ( ! ) avec cette remarque au sujet de ce Port Saint-Étienne, d’autant plus que votre père participait à cette partie de cartes sur ce canal gelé. Alors si vous avez des photos, c’est avec plaisir que nous les acceptons, comme Jean-François vous l’indique ;figurez-vous que je suis né pas très loin de là, au 80 avenue Camille Pujol , avant de partir à l’écluse de Vic ensuite.

        • Marie-Pierre dit :

          Bonjour André,

          J’ai envoyé cette semaine à Jean François les photos que j’ai récupéré auprès de mon père avec quelques petites précisions. Connaissiez-vous le café de mon grand-père « chez Pépino » ?

          • André dit :

            Non,Marie-Pierre, je n’ai pas connu votre grand-père ni le café pour la simple raison que je suis parti de Toulouse pour l’écluse de VIC quelques mois après ma naissance ; ça n’aurait pas été sérieux de fréquenter les bistrots à mon âge !!!

        • Lougabier dit :

          Du bateau Arc-en-ciel puis Concorde.

          Pagnol a écrit sa légendaire partie de cartes et Toulouse a ses photos insolites des joueurs de cartes sur la glace en février 1956. Elles ont été prises un peu en amont du Pont Montaudran, au début du Port St Sauveur et pas du Port St Etienne. Elles ont été prises sur la glace sous un angle un peu différent. Sur la photo (non exposée) des 4 joueurs, on voit en arrière plan, le Pont Guilheméry. Le bâtiment des Ponts & Chaussées (VNF aujourd’hui) est encore de nos jours un des seuls points de repère qui restent tellement que ces lieux ont été défigurés… Sur une photo récente, transmise à Jean-François, on voit ce bâtiment un peu caché par la végétation, 51 ans ça passe vite !!
          Jean-François dans la présentation de cet article s’interroge : « Que faisait-on sur le canal et qu’en disait les mariniers ? »
          Pour nous à bord de l’Arc-en-ciel, le livre de bord révèle nos secrets. Après avoir débarqué au Port Saint Sauveur un voyage de soude chargé à Beaucaire, nous sommes partis le 28 janvier 1956 à midi, sur lest (à vide) en direction d’Agde pour se mettre en attente d’affrètement. Le plus souvent c’était pour du ciment chargé chez Lafarge à Balaruc ou Aux Ciments Français de Beaucaire. Le 31 janvier 1956, le Patron indique « un fort vent du Nord ». Le gars du métier comprend tout de suite, qu’étant à vide, la timonerie a été démontée et que celui qui reste à la barre est sans abri, et sans doute « vestit como un podaïre » (habillé comme tailleur de vigne) : peut-être 2 paires de chaussettes en laine, caleçon long melotonné, flanelle, chemise épaisse, pull et canadienne, avec, intercalé dans ce mille-feuille un journal. « Il n’y a pas mieux pour casser le vent » disait les anciens…
          Pour en revenir à notre route, le 2 février 56, le verdict tombe : « Amarré au canalet d’Agde. Grand froid, moins 11° ». Quand le canal est gelé, tous les jours, matin et soir, il faut casser la glace le long des bateaux en bois. La glace peut pénétrer dans l’étoupe des joints des bordages et provoquer une voie d’eau. Quand la glace n’est pas épaisse, on la casse du pont du bateau avec la gaffe en prenant soin de pousser les morceaux le plus loin possible afin qu’il n’y ait pas une surépaisseur lors de la reprise… Quand elle devient trop épaisse, on met l’échelle sur la glace « contre la bande » du bateau en prenant soin de l’attacher pour éviter qu’elle ne glisse et on descend directement sur l’épaisse couche. A genoux sur la glace avec « le pigassou » (hachette) ou debout à « la pigasse » (hache), elle est découpée tout le long du bateau.
          Marie-Pierre indique que c’est Pépino qui a fourni « les meubles ». Notre Port d’attache étant le Port St Etienne, « Chez Pépino » était « notre bar ». C’était un bar très propre, familial, sans histoire, Pépino arrêtant de servir quand il estimait que le client avait assez bu. Le bar était réputé pour « ses demis » de la marque Adelschoffen, en toulousain « adelchofin »… On y a fait la dernière journée avant « fermeture définitive »… Je joins à Jean-François une photo actuelle des lieux avec même un sous-bock de cette brasserie.
          Pour André, le Port St Etienne est situé entre le pont Montaudran et Guilheméry. Dans le prolongement du pont Guilheméry, l’avenue Camille Pujol monte vers la Cité de l’Hers.
          Etant en pension scolaire, chez une tante qui habitait près de la Place Dupuy, tout ce coin était « notre zone »…
          Lougabier.

  3. Marcel dit :

    Quelques téméraires, lors de cet hiver très rude, on tenté quelques « expériences » comme ces joueurs de cartes sur le Bassin de l’Embouchure ou ailleurs, à Tours, sur la Loire, comme cet automobiliste qui a traversé le fleuve a bord de sa 2 CV.

    • Bonjour Marcel, j’ignorais les expériences sur la Loire. Si vous avez des photos, cartes postales ou documents les concernant, ce serait sympathique de nous les communiquer. Qu’il s’agisse du Canal du Midi ou d’ailleurs, merci.

      • André dit :

        Alors comme ça « Monsieur l’attaché aux services de la manoeuvre, de l’entretien… » on se fait plaisir en évoquant à nouveau ce fameux hiver de février 1956 où vous êtes aux premières loges avec l’Arc-en-ciel et ses péripéties durant cette période.

        Donc il s’agit du Port St Sauveur à la hauteur duquel se déroule la partie de cartes qui a été photographiée;
        je connais bien ce quartier, pas autant que vous bien sûr, mais comme je suis né au n° 80 de l’avenue Camille Pujol où habitait ma grand-mère, ensuite direction l’écluse de Vic quelques semaines après ma naissance, j’allais, par la suite, y revenir très souvent.

        Il y a 61 ans que ces anecdotes ont eu lieu, mais vos souvenirs, comme les miens, reviennent à la surface avec force détails qui se mesurent en dizaine de mètres. ( Port St Sauveur / Port St Etienne )

        Je vois bien tout ce que vous faisiez au moment où le canal était archigelé comme je l’ai vu lorsque j’étais à l’écluse de Vic ( « le pigassou, la pigasso  » ) : c’était vraiment une période où l’entraide n’était pas un vain mot, chacun y mettait tout son coeur pour se retrouver le soir, puis attendre les premiers dégels.

  4. Nicolas dit :

    L’endroit à changé depuis, esthétiquement parlant, peut être pas forcément en bien, surtout le pont. Du moins, pour le symbole qu’est le Canal du Midi, il aurait fallu au moins choisir un code architectural plus agréable. Il faut dire que dans le massacre des années 70, les voies longeant le canal faisaient office plus ou moins de boulevard périphérique. Depuis, les autoroutes de contournement de la ville ont été construits (pas de façon très heureuse au niveau du bassin de l’Embouchure, je le conçois), aussi faudrait t’il peut être rendre les berges du canal aux piétons et aux transports en commun. Une ligne de tramway avait été prévue si Pierre Cohen avait été ré élu maire de Toulouse. Espérons que Jean-Luc Moudenc reprenne ce projet. Aujourd’hui, je définirais l’emplacement de l’ancien Port St Etienne comme « Manhattan-sur-Canal3.

 

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