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Canal du Midi selon l’Illustration (III)

Posté le 22 février 2022 à 20h 00 dans Une Histoire du Canal du Midi par

 

Rigole de la Montagne

Prise d’eau d’Alzau

 

Une autre rigole fut creusée dans la montagne même, au sommet des contre-forts qui séparent les unes des autres les rivières du côté sud. Les ruisseaux d’Alzau, Lampy, Bernassonne, etc., furent barrés par des chaussées accompagnées presque toutes d’épanchoirs à fond destinés à rejeter les eaux superflues dans les lits de ces torrents. Le canal de dérivation qui réunit ces différentes rivières, et qui fut appelé rigole de la Montagne, a 3 mètres 247 millimètres de large et environ 1 mètre d’eau en profondeur. Son développement en longueur dépasse 30 kilomètres. Presque partout il est creusé dans le granit ou dans la couche de terre assez mince qui le recouvre. Il est en général à fleur de terrain et suit le contour des parties élevées. Toutefois, dans certains endroits, il a fallu le faire passer à plusieurs mètres de profondeur dans le roc.

Prise d’eau d’Alzau près des forges de M. de Pujol

Alzau est la tête de ce système hydraulique. C’est là qu’est la prise d’eau. Dans la forêt de Ramondens, au cœur même de la montagne Noire et dans le site le plus sauvage, on voit un monument de granit entouré d’arbres séculaires et apparaissant au loin comme la borne qui marque l’origine d’un travail dont s’honore le génie humain. Ce sont les colonnes d’Hercule de la science dans la montagne Noire. Là le torrent d’Alzau est détourné et conduit dans la rigole de la Montagne. Si vous approchez du monument, vous verrez, par l’inscription qui le couvre, qu’il a été élevé en l’honneur de Riquet. Voici cette inscription, que nous avons copiée sur les lieux mêmes :

Louis XIV régnant, Colbert étant son ministre, ici, L’an 1665 ? P. P. Riquet s’empare des eaux de la montagne noire, Les conduit à Naurouze et résout le grand problème de la jonction des deux mers. L’an 1666, seul, il ose entreprendre ce grand ouvrage et répond du succès ; l’an 1681, des barques chargées passent de l’Océan à la Méditerranée ;

A la mémoire de Pierre-Paul Riquet, baron de Bonrepos, hommage de respect, d’admiration et de reconnaissance de M. de Riquet, duc de Caraman, pair de France, lieutenant général des armées du roi, chevalier de ses ordres, ancien ambassadeur.- 1837.

La face postérieure du bloc de granit offre une autre inscription qui rappelle les dates les plus mémorables de l’histoire du canal du Midi.

On ne trouve absolument à Alzau que la maison du garde et la belle forge de MM. De Pujol, adossée à une pente de la forêt et assise sur le torrent qui, à quelques pas de là, va donner naissance à la rigole. Ce torrent, comme tous ceux qui sillonnent la montagne Noire, est encombré de blocs de granit monstrueux, semés au milieu de son lit dans le plus étrange désordre.

L’administration du canal a l’intention d’établir à Alzau un barrage véritable, accompagné de quelques ouvrages qui donneront à l’ensemble un aspect monumental.

Peu de voyageurs visitent Alzau ; pourtant les hêtres du chemin portent, jusqu’à plus d’une lieue de distance, des noms qui rappellent le passage de quelques curieux.

 

Monument élevé à Riquet, dans la Montagne Noire, par Louis XIV

  • aujourd’hui, en 2022, de nombreux visiteurs découvrent Alzau ou Alzeau, c’est selon…
  • ce site n’a pas trop changé depuis 1847 ! La végétation est plus abondante et le piétinement des touristes reste modéré.

 

Pour quitter la prise d’eau, il n’existe pas d’autre route que celle qui longe la rigole de la Montagne dans tout son développement. Le canal serpente au milieu d’une sombre forêt. A gauche, le regard plonge avec effroi dans des précipices dont le fond échappe à la vue ; à droite s’élève brusquement la montagne qui, de distance en distance, est tapissée d’énormes masses de granit montrant leur tête chauve et grisâtre. Le bois de Ramondens couvre la cime de la montagne et les flancs des précipices. Des arbres gigantesques et de la plus fière encolure ombragent la rigole et la route dans toute leur étendue. Parmi ces arbres on remarque des chênes et des hêtres qui atteignent à des proportions colossales et dont les branches s’entrelacent pour former une voûte protectrice au-dessus du chemin. La majesté de ces rois de la forêt, l’ombre épaisse que projette ce dôme de feuillage, la limpidité des eaux de la rigole, le murmure qu’elles font entendre en roulant rapidement sur des cailloux polis ou sur un sable fin, les mille sinuosités de la route, nivelée sur la rigole et entretenue avec un soin admirable, le silence du bois solitaire, les maisons des gardes qui, à de rares intervalles, se détachent, blanches et coquettes, sur le vert sombre du tableau, tout contribue à donner à cette route un merveilleux caractère de pittoresque, de grandeur, d’originalité, de beauté régulière et de sauvagerie. La forêt s’étend à une distance considérable. On nous a dit qu’elle n’avait pas moins de 28 à 30 kilomètres de circuit. Quelquefois, les arbres de haute futaie font place à des taillis touffus, retraite des renards et des loups. Alors le regard, affranchi de tout obstacle, découvre tout à coup la chaîne des Pyrénées dans presque toute son étendue. Souvent une ligne de nuages blancs cache le pied de ces montagnes dans toute la longueur que l’œil du voyageur peut embrasser, tandis que, par un heureux contraste, la cime se détache, brune et hardiment découpée, au-dessus de cette écharpe floconneuse, dont les plis capricieux font, de loin,, l’effet d’une ondoyante ceinture de neige. A mesure que le soleil s’élève sur l’horizon, les brumes montent et dégagent le pied de la chaîne. On peut les suivre dans leur lente ascension jusqu’au moment où elles couronnent les plateaux supérieurs d’un étincelant diadème, pour aller, bientôt après, se formuler dans l’atmosphère en nuages flottants. Entre le rideau des Pyrénées et les montagnes sur le sommet desquelles serpente la rigole, s’étend l’immense plaine de Carcassonne, si fertile et si variée. Le tableau est complet ;il est difficile d’en imaginer un plus saisissant, plus digne du pinceau d’un artiste. En présence de ces grandes sciènes de la nature, au milieu de cette forêt, à travers laquelle le génie sut frayer une voie à l’industrie et au travail, il est impossible de se défendre d’une émotion profonde. Tandis que l’imagination s’exalte à l’aspect du magnifique paysage que se déploie sous les regards, la vue de ce canal aux mille replis, qui ondule au flanc des blocs de granit, excite dans l’esprit une admiration qui va bientôt jusqu’à l’enthousiasme. « Ce pays, s’écrie un voyageur du siècle dernier (1), porte l’empreinte de l’auteur du canal, et l’on n’y peut faire un pas sans tressaillir et admirer.»

  • Je dois bien dire que la forêt de Ramondens reste toujours sublime… Je ne peux que conseiller à tous de la visiter, mais pour cela, il faut être un peu rude. Et je sais bien que cette forêt saura se défendre contre le piétinement !
  • Là, je ne sais plus que dire, c’est si vrai qu’on découvre l’immensité de ces belles Pyrénées depuis la montagne Noire…
  • Elles sont si belles, les Pyrénées, vues depuis cet endroit ! Tiens, je vous en livre une photo !

Ici l’observateur se trouve placé, pour ainsi dire, devant l’origine et la cause du canal du Languedoc ; il en découvre le mécanisme, il en tient la clef. Le projet de l’ingénieur de ce grand ouvrage s’explique ici bien plus aisément qu’il ne se conçoit, et la simplicité des moyens l’emporte encore sur la hardiesse de l’entreprise.Ailleurs cet ouvrage semble un effort de l’art qui contraint la nature ; ici l’art la surpasse en ne faisant que l’imiter. Une rigole étroite et tortueuse, deux lacs de médiocre grandeur, tels sont les moyens simples et savants qui servent à former et à maintenir, de l’une à l’autre mer, une rivière factice, dons les eaux, retenues et comme suspendues à volonté, ne peuvent jamais tromper l’attente du commerçant, ni détruire l’espoir du cultivateur. »

(1) Reboul, qui a écrit un voyage dans la montagne Noire en septembre et octobre 1786, ouvrage cité avec éloge par le savant Ramond dans son Voyage aux Pyrénées.

  • Je n’ai pas encore retrouvé Reboul, ni même le savant Ramond, comme l’auteur le dit, mais si quelqu’un peut m’informer,  je reste à l’écoute...

3 commentaires pour  « Canal du Midi selon l’Illustration (III) »

  1. Manu dit :

    Bel article. La prise d’eau d’Alzau et la rigole de la montagne offrent un cadre exceptionnel pour les balades à pied et à vélo. On découvre le travail réalisé pour alimenter le Canal du Midi.

    • Merci à vous pour cette impression…Ce travail a été immense, démesuré ! Pourtant, bien d’autres canaux avaient été réalisés bien avant, et bien plus spectaculaires ! Je n’évoquerai que le grand canal de Chine… mais recherchez vous même et voyez ce que ce canal a été et est encore.
      Quoi qu’il en soit merci d’avoir participé ici, mais nous devons tous comprendre qu’il nous faut rester modestes !

    • Merci à vous, mais je découvre que le deuxième article qui a été initié ici, Canal du Midi dispose de bien moins de succès, car voyez vous, la Montagne Noire, c’est tout de même quelque chose ! En tout cas pour moi !

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