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Lorsque les grandes vacances scolaires étaient terminées (à cette époque la rentrée avait lieu début octobre) je ressentais ce changement en raison de l’animation qui se produisait dans les fermes alentour : il s’agissait des préparations pour la récolte du vin des vignes de chaque propriété .
Oh ! c’était des vins avec un faible degré, pour la consommation courante des fermiers et de leurs métayers, et comme la plupart du temps il restait dans leurs chais ce vin de l’année précédente, ils l’utilisaient ce vin-là pour le faire distiller, auquel ils ajoutaient du marc de raisin de la récolte en cours, parfois même ils pouvaient rajouter des fruits abîmés qu’ils avaient mis à macérer dans des fûts.
Vous vous dites : « Où donc André va- t-il nous balader avec ce mélange bizarre ? »
Réponse : « Je ne vous balade pas puisque nous restons à l’écluse de Vic pour accueillir un monsieur qui est bouilleur de cru et qui va s’installer juste en face de l’écluse sur la rive opposée pendant plusieurs semaines »
Il arrive donc à cette période de l’année équipé de deux alambics qu’il va établir soigneusement à une dizaine de mètres du bord du canal, au-dessus du chemin de halage (la piste cyclable était loin d’exister…) entre les deux rangées de platanes ; les appareils seront placés sur un terrain que le distillateur aura mis de niveau. Il raccordera les tuyaux branchés aux alambics, directement au canal (l’autorisation de puiser l’eau au canal ayant été accordée comme tous les ans) , il aura apporté un stère de bois, s’il y avait des propriétaires récoltants qui n’avaient pas apporté le leur pour alimenter la chaudière de l’alambic. Il installera un abri de toile pour avoir un minimum de confort, étant là toute la journée et pour établir les papiers nécessaires afin de procéder à la distillation pour chaque récoltant, la règlementation le leur imposant.
Les alambics et notre bouilleur de cru étant prêts, les fermiers pouvaient alors apporter leur récolte pour la distillation ; une fois les appareils remplis soit de vin, soit de marc, ou encore de fruits macérés , la chaudière alimentée de bois se mettait à chauffer pendant que l’on finissait de remplir d’eau froide, celle du canal donc, le corps réfrigérant aux serpentins à travers lesquels allaient se transformer les vapeurs d’alcool en liquide coulant dans un récipient et c’était la fin de ce cycle qui allait se répéter autant de fois qu’il y aura eu de chauffes. J’avais remarqué que les alambics étaient de beaux appareils rutilants en cuivre lorsqu’ils étaient neufs ; le bouilleur de cru, étant un homme très soigneux, il les bichonnait toujours à la fin de la journée.
Ce gars là était un touche- à- tout dans le bon sens du terme : il était agent d’assurances, apiculteur, récoltait des amandes d’un grand verger, bref, il ne rechignait pas à la besogne et ça m’avait marqué à tel point que, souvent, lorsque l’école était finie j’allais le voir dans ses travaux de distillateur, il m’expliquait tout ce qu’il faisait pendant que l’eau- de- vie coulait dans un décalitre ; il m’arrivait de remplir la cuve d’eau froide avec la pompe à main, c’est là que je m’apercevais que ce n’était pas de tout repos, j’avais une dizaine d’années .
Les journées à l’écluse passaient plus vite étant donné la présence de ces alambics et les gens qui venaient faire distiller leur récolte, et aussi des personnes alléchées par les vapeurs d’alcool qui s’arrêtaient pour discuter voire se réchauffer et pas forcément auprès de la chaudière ! Et voilà comment se passaient certaines journées d’automne, tout près de l’écluse de Vic.
Note de Jean-François
Il se trouve qu’à l’époque, André avait oublié son smartphone (à moins que ce ne soit son Kodak rétina) et n’a donc pas eu l’occasion de réaliser des photos. 😉 J’ai donc effectué quelques recherches dans mes archives. Bien entendu, je ne dispose pas d’images d’alambics près du Canal du Midi, chose probablement très rare, mais j’ai trouvé ceci qui nous permettra de montrer à ceux qui connaitraient mal la question, ce qu’est un alambic de bouilleur de cru :
Un article paru dans la revue l’illustration daté du 14 février 1903 nous explique ce qu’est le privilège du bouilleur de cru et commente quelques décisions de justices relatives à des bouilleurs indélicats. Il est illustré par deux images. L’histoire ne nous dit pas où elles ont été dessinées, mais j’aurais tendance à penser qu’elles nous viennent du Pays Basque.
Suit une Carte Postale ancienne qui montre un bel alambic a deux cheminées. Comme souvent, les habitants du village viennent poser pour la prise de vue. C’est très sympathique. La scène se passe à Beaune, en Bourgogne donc !
Un alambic bien plus modeste sur cette autre carte postale. En fait, la carte est légendée, distillerie de cidre, et la scène se passe en Normandie. Je ne sais pas trop si ce personnage est statutairement un bouilleur de cru, mais tout seul, il a l’air de s’ennuyer un peu.
Excellent.
On en apprend tous les jours avec votre site…
Les photos sont très intéressantes.
Merci
Ces histoires d’Alambic me remémorent l’émission « Des Racines et des Ailes » consacré à la Gascogne et à la fabrication de l’Armagnac en particulier. J’étais loin d’imaginer que le Canal du Midi (et d’autre canaux très certainement d’ailleurs), pouvait contribuer a faire fonctionner de tels appareils.
Ce récit nous replonge dans le temps de la nostalgie et de l’enfance, où tout ce que l’on découvre suscite l’intérêt. Les activités répétitives calquées sur les saisons ont qq chose de rassurant comme le printemps qui revient ou le jour qui se lève…
Bravo pour votre récit André, on attend la suite…
Bravo pour ce nouveau récit ! Les temps ont bien changé, des métiers ont disparu, de nouvelles distractions sont apparues. Heureusement qu’il y a des témoins pour nous raconter… Merci !
Quand je retournerai me promener sur le canal en ces belles journées du mois de mai, et c’est bientôt, je me remémorerai ce que vous avez raconté sur cette activité passée que je ne soupçonnais guère.
Merci de nous éclairer par vos témoignages.
J’ignorais qu’une telle activité puisse exister sur le Canal du Midi. Comme quoi, outre l’activité batelière, le rôle d’irrigateur du cours d’eau n’était pas destiné qu’à l’agriculture.
Je découvre une activité que je ne soupçonnais pas sur les bords du Canal du Midi.
Merci à vous, André, qui, par vos précieux témoignages, êtes une « mémoire » de ce cours d’eau.
Et merci surtout, d’avoir « pris la plume », si j’ose l’écrire. Je suis sur qu’il existe en France et ailleurs, de nombreux anonymes qui auraient beaucoup à dire ou à écrire, mais qui n' »osent pas », pensant sans doute à tort, de n’avoir pas suffisamment le « prestige » ou l’ « étoffe » que nous sublime et nous impose ce monde de codes et de conventions, pour prendre l’initiative tout simplement de « raconter ».
C’est très gentil de me dire tous ces mots après avoir lu mon article, mais je pense que c’est trop, dans ce sens que d’autres que moi, dans cette situation, auraient écrit avec le même sentiment, la même sincérité et la même volonté, si volonté il y a.
En ce qui me concerne, je dois l’envie d’écrire ces articles à notre « rédacteur en chef » Jean-François, qui a mis en œuvre ce blog qui constitue une apologie du CANAL DU MIDI.
Ceci dit, je ne suis pas quelqu’un de bavard, mais ici je me sens à l’aise, et comme l’occasion m’en était offerte, le besoin de raconter mes souvenirs de dix-huit ans passés à l’écluse de Vic reste naturel ; vivre cette période devant ce canal à cette époque, c’était assez ordinaire, bien que je sache que beaucoup de jeunes gens habitant Toulouse (on disait « en ville ») enviaient ma situation.
Si tu connais cet endroit, Séraphin, tu dois pouvoir penser que j’avais de la chance d’avoir vécu là en pleine nature, à voir des bateaux toute l’année durant, et puis il y avait la pêche, les baignades, le plein air quoi.
Alors peut-être que tout ça m’a galvanisé pour écrire mes « petits » Mémoires !
Ce genre de situation me semble si impensable aujourd’hui… 🙂 André, m’auriez-vous donner la nostalgie d’un temps que je n’ai pas connu ?! 😉 Ceci dit, j’ai eu la chance d’avoir un prof hyper sensible à la culture occitane et à l’histoire. Un jour, j’ai eu l’occasion de rencontrer un bouilleur de cru au cours d’une sortie scolaire. Il habitait à 5 minutes de l’école et il faisait du bourret (comme on dit chez moi)… Comme quoi, nul besoin d’aller très loin pour découvrir la richesse de notre propre histoire… 🙂 Merci encore André de prendre le temps de nous transmettre la vôtre…
L’alambic de Vic:
Etant fils de marinier du bateau Arc-en-ciel puis Concorde, quand on allait à Sète ou à La Nouvelle, on passait bien sûr à l’écluse de Vic. En automne je me souviens d’un bouilleur de cru. Il me semble qu’il était « au dessus » (côté amont) de l’écluse, à gauche, côté chemin de halage. Un gros tas de bois était à proximité de l’alambic. On profitait du temps que le « bassin » se remplisse pour « bader » un peu autour. Mais ce que je me souviens le plus c’est de l’odeur… C’était l’occasion pour le Père, de nous expliquer le rapport degrés/quantité de vin car ayant fait le transport du vin en demi-muids de 1910 à 1939, il en connaissait un rayon sur le « trois-six ». Pour le transport des céréales, on avait aussi un acquit comme pour le vin, certains l’appelaient « le congé ». La durée du transport y est indiquée.
Le mardi 3 septembre 1968, on a été arrêté à l’écluse de Castanet « à 08h15,cause avarie maçonnerie écluse de Laval » d’après le Livre de bord. Comme on ne savait pas le temps qu’allait prendre la réparation, on a amené notre acquit « en transit » au bureau de tabac à Castanet pour que la durée de l’arrêt soit décomptée. Je pense qu’il était en bordure de la 113, côté canal, à l’angle ou pas loin d’une rue. Jeudi 5 sept : « 11h15 : Départ autorisé ». Pour ne pas perdre de temps, pendant que le Concorde « passait Castanet », en mobylette je suis allé rechercher l’acquit et retrouvé le bateau « à Vic ».
En faisant des recherches sur l’écluse de Vic j’ai découvert le passionnant blog d’ André. Ma petite fille qui est en CM1 doit faire un exposé sur cette écluse en lien avec l’aéropostale. Comme je ne trouve rien auriez-vous l’amabilité de me répondre si vous pensez avoir des informations; Merci beaucoup.
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