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Communications entre éclusiers

Posté le 6 juin 2014 à 22h 00 dans Une Histoire du Canal du Midi par

Après quelques semaines pendant lesquelles j’ai pu voir ou revoir les textes accompagnés de photos sur ce blog du Canal du Midi, j’avais envie de m’exprimer et Jean-François m’en a offert l’opportunité, je l’en remercie.

Rappelons que j’ai longtemps vécu près de l’écluse de VIC.

La maison éclusière et le bassin de l'écluse. Au loin, les lueurs du couchant. Les arbres sont encore dépourvus de feuilles.

L’écluse de Vic à la tombée de la nuit

Je voulais raconter quelques anecdotes sur le Canal du Midi que j’ai vécues, comme d’autres… alors voici la première :

Les écluses, lorsque j’étais à VIC, de 1941 à 1959, correspondaient entre elles par une ligne téléphonique propre aux écluses ; on utilisait le code MORSE pour cela.

 

Vue d’amont de l’écluse de Montgiscard. On aperçoit également le clocher mur de l’église.

 

Exemple : si une péniche se trouvait à l’écluse de MONTGISCARD, en direction de TOULOUSE, l’éclusier de Montgiscard nous appelait par 3 coups brefs (points) et 1 coup long (trait), qui correspond à la lettre V pour VIC. Il nous annonçait le passage prochain de la péniche chez nous à l’écluse de VIC (environ 1h20 pour 7496m), ce qui nous permettait de préparer l’écluse en fonction de ce temps. Ensuite, nous faisions de même vers l’écluse de CASTANET, lorsque la péniche était en partance vers cette écluse. On appelait avec un coup long (trait), un coup court (point), un coup long (trait), un coup court (point), qui correspond à la lettre C pour Castanet.

L’écluse de Castanet était autrefois une écluse double. Elle a été modifiée pour l’accès au gabarit Freycinet, mais les ellipses des anciens bassins subsistent

La liaison qui correspondait à l’écluse de VIC s’étendait de l’écluse de BAYARD à Toulouse (1 coup long et 3 coups brefs pour la lettre B) jusqu’à GARDOUCH (2 coups longs et 1 coup bref pour la lettre G). Il s’agit donc du code MORSE, mais cette ligne téléphonique ne nous permettait pas d’appeler à l’extérieur (uniquement entre écluses).

C’était intéressant, mais les jours d’orages violents la foudre faisait d’énormes étincelles, des flammes quelquefois sortaient du combiné, ça donnait la frousse lorsqu’on voyait ce feu sortir au niveau des fils à l’intérieur de la maison de l’écluse.

Ce n’est peut-être pas très important pour l’histoire du Canal du Midi, mais je me suis permis de développer ces souvenirs de mon enfance. J’espère que les lecteurs de ce blog seront satisfaits de ma prestation.

PS : ai-je eu une vie heureuse à ce moment-là ? Difficile à dire car si j’étais à l’écluse de VIC, c’est parce que ma mère en était l’éclusière, poste réservé aux veuves de guerre (mon père est mort au combat tout au début de cette sale guerre) et donc la vie recommençait pour ma mère, mon frère âgé de 18 mois et moi de 3 mois. Des jours meilleurs viendront par la suite. A bientôt pour de nouvelles anecdotes sur le Canal du Midi.

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Edit de Jean-François le 21 Avril 2017

Aucun article n’est terminé avant que de nombreux commentaires l’aient complété. J’ai le plaisir d’ajouter cette image qui m’a été confiée par Lougabier à qui je laisse le soin du commentaire que vous trouverez plus bas. Je le remercie pour sa contribution. Il s’agit simplement d’un téléphone qui était utilisé pour la communication entre éclusiers.

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Note de Jean-François

Suite à une manœuvre malheureuse, Cet article s’était évaporé ainsi que les commentaires qui allaient avec… L’article a été reconstitué, mais les commentaires antérieurs au 1er juin 2016 n’ont pu être restaurés.

Commentaires fermés

7 commentaires pour  « Communications entre éclusiers »

  1. LaureLala dit :

    C’est fou. Combien de temps fallait-il pour préparer une écluse ?

  2. André dit :

    Nous voici maintenant au passage d’une barque à l’écluse de VIC : si la barque a une cargaison importante et si elle vient de l’aval (c’est-à-dire de l’écluse de Castanet distante de 1 km 700) il va falloir au moyen d’une manivelle, je parle de mon époque où tout est manuel , monter les vannelles à l’aide de crémaillères, très lentement au début de l’éclusage pour éviter de déplacer la péniche qui peut se balancer dangereusement et buter contre les parois du sas (le bassin) puis au fur et à mesure de la montée de l’eau dans le sas on ouvrira un peu plus les vannelles (deux à chaque porte, soit quatre) pour terminer en les ouvrant complètement, et lorsque le niveau de l’eau est le même entre le bief en amont et le sas on pourra ouvrir les deux portes, ça sera la fin de l’éclusage, en un temps de vingt à trente minutes.
    Dans le cas d’une péniche qui vient de l’amont (de l’écluse de Montgiscard à 7 km 500) qu’il s’agisse d’une barque avec cargaison ou sans, la durée est beaucoup plus courte, en faisant attention malgré tout à la manœuvre, même ici, avec la participation du marinier qui peut agir comme l’éclusière (maman en l’occurrence) puis le niveau de l’écluse étant au niveau du bief aval, on ouvrira les portes : il faut compter la moitié du temps soit environ quinze minutes. Je n’ai pas parlé de la préparation du niveau du sas avant l’entrée de la barque qui, là-aussi, peut se faire en dix minutes ; si c’était moi qui aidait ma mère, quand j’étais jeune garçon, quelques fois ça m’amusait de chronométrer la durée avec une montre ! Lorsque le niveau du sas et celui du bief étaient les mêmes le sas était prêt pour accueillir la barque. La durée de préparation pouvait être d’un quart d’heure.
    Je crains d’avoir été trop méticuleux ici, non ? Sur place nous aurions mis moins de temps !

    • Je précise : les vannes que tu évoques s’appellent très précisément les vantelles. Pour information, les visiteurs pourront consulter la page du lexique qui décrit quelques uns des termes et expressions relatifs à la navigation fluviale et au Canal du Midi.

  3. LaureLala dit :

    Merci pour ces précieuses précisions !!!

    • André dit :

      Je suis rassuré que vous ayez compris mes explications car je craignais de répondre en me basant uniquement sur ce que j’ai pu faire des centaines de fois sans penser qu’un jour j’aurais à narrer ces moments passés à l’écluse et devoir utiliser les termes appropriés à chaque élément ou à chaque manoeuvre, je peux en avoir omis, pour les amoureux passionnés du canal du Midi.

  4. Lougabier dit :

    Du bateau Arc-en-ciel puis Concorde.
    Les communications entre éclusiers étaient pour nous importantes.
    D’abord parce que l’éclusier(e) était informé de notre arrivée et « nous préparait le bassin ». Quand nous arrivions, sauf si le sas était occupé par un autre bateau, on rentrait directement dans l’écluse alors que si elle n’avait pas été préparée, c’était un quart d’heure perdu. Comme on passait, en moyenne une vingtaine d’écluses par jour, on peut aisément calculer le temps gagné.
    Il y avait aussi des problèmes de mouvements d’eau :
    1. Quand on « montait » (dans ce cas, on venait de Castanet), la vidange du sas provoquait des remous sous forme de tourbillons qui rendaient l’entrée du bateau dans l’écluse difficile. L’éclusier(e) connaissait bien ce problème, alors il « tournait égal » : il commençait à « tourner les 2 vannes » du milieu, puis les 2 autres extérieures qui provoquent le plus de tourbillons.
    Quand on pouvait, on envoyait « quelqu’un du bord » « donner la main » à l’éclusier, ça nous faisait gagner du temps et ça permettait de mieux « tourner égal », les vantelles étaient alors actionnées en même temps d’une façon symétrique.
    2. Quand on descendait (de Montgiscard), le fait de remplir le sas faisait baisser le niveau d’eau du bief et pouvait nous faire « encaler » (échouer), d’autant plus que le bateau entraîné par le mouvement de l’eau était difficilement contrôlable. Le fait de battre en arrière, provoquait la mise en travers du bateau, les propulseurs d’étrave n’étaient pas encore inventés pour « le redresser »…

    Une autre application des communications téléphoniques entre écluses, était pour nous importante, c’était « les annonces ».
    En effet, les ponts et aqueducs et certains « contours » (courbes) ne tolèrent le passage que d’un seul bateau à la fois. L’éclusier en nous annonçant le nombre de bateaux que l’on rencontrerait dans le bief, nous permettait de redoubler d’attention à ces endroits cruciaux. La cerise sur le gâteau, c’était quand il nous donnait l’heure du départ de l’écluse suivante et le nom du bateau. En effet, si on nous disait par exemple que l’Aneto est parti de Montgiscard à 16h, on savait que c’était un pétrolier, qu’il était chargé, connaissait sa vitesse, qu’il mettrait 1h10 environ pour faire le bief et que l’on aurait des chances de le trouver « à tel endroit ». Plus qu’ « à terre », un barquier informé en vaut deux et même trois !!!

    Enfin, certaines écluses étaient très isolées, le téléphone était le seul moyen d’appeler rapidement les secours, un médecin, etc.

    Je laisse Jean-François illustrer les communications téléphoniques entre écluses par le téléphone de l’écluse de double de Laval, à environ 1,5km en aval de Gardouch. (Photo prise en mai 2016 à « Laval »).

    • André dit :

      Alors voilà, je n’ai plus rien à dire Monsieur le « barquier » : c’est parfait ! Non, je ne juge pas, je ne suis pas ici pour ça, en tout cas je me replonge dans l’univers de la batellerie à cette période pendant laquelle nous avions, ma mère et moi, rencontré des gens courageux et d’un cœur gros comme ça à bord de leurs péniches. Je revois ce que vous venez de raconter, de ce que nous, éclusiers, avions en parallèle avec vous notamment lors des manœuvres d’éclusées ; parfois, aussi, on alternait pour la levée des vannelles (celles à la gauche des portes, en même temps et petit à petit on tournait les manivelles en se regardant, l’aide du batelier et ma mère, avec une synchronisation qui en aurait fait « bader » plus d’un). Nous, éclusiers, nous savions bien que les « barquiers » étaient toujours pressés de passer les écluses mais sincèrement nous n’y attachions qu’une importance modérée puisqu’il pouvait se produire qu’il y ai à la fois une montée et une descente qui se présentent en même temps à l’écluse et c’était bien à l’éclusière de faire le choix sans atermoiement. Ceci n’était qu’une partie de ce que la batellerie et les éclusiers ont pu rencontrer sur le Canal du Midi.

 

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